Modification de la définition pénale du viol et des agressions sexuelles : une réforme nécessaire ?

Le 6 mars 2025, le Conseil d’État a formulé un avis concernant la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.

Initiée par les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, elle tend à répondre à un enjeu sociétal majeur : apporter une définition claire du consentement dans le Code pénal, tout en intensifiant la lutte contre l’impunité persistante en matière de violences sexuelles.

Pourquoi une redéfinition pénale du viol est-elle nécessaire ?

Malgré les avancées en la matière, les viols et agressions sexuelles demeurent massivement sous-déclarés et insuffisamment sanctionnés. En France, une personne est victime de violences sexuelles toutes les 2 minutes. Toutefois, 8 victimes sur 10 choisissent de ne pas déposer plainte, estimant que la démarche n’est utile et que leur témoignage n’est pas pris au sérieux. 

L’un des enjeux majeurs réside dans la définition actuelle du viol et des agressions sexuelles, telle qu’établie à l’article 222-22 du Code pénal. La lettre du texte évoque les notions de « violence, contrainte, menace ou surprise », sans faire référence au consentement.

Même si la jurisprudence a évolué en prenant en compte ces enjeux sociétaux, le traitement judiciaire reste imprévisible dans certains cas (sidération de la victime, contrainte psychologique, exploitation de sa vulnérabilité, etc.).

Enfin, l’actualité récente, marquée par le mouvement #MeToo sur les réseaux sociaux ou l’affaire des viols de Mazan, témoigne la nécessité d’une loi plus claire pour lutter efficacement contre la « culture du viol ».

L’intégration explicite de la notion de consentement

Selon l’article 222-22 du Code pénal, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur ».

Tout d’abord, le Conseil d’État valide l’intégration explicite de l’absence de consentement dans la définition susvisée. L’objectif est de protéger un principe fondamental : le respect de l’intégrité physique et psychique de chacun.

Cette intégration renforce la visibilité de l’exigence de consentement, qui doit être au cœur de la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. Plus encore, le Conseil d’État estime que l’élargissement des critères de « violence, menace, contrainte ou surprise » permettrait de mieux appréhender les situations dans lesquelles le consentement fait défaut.

Une nouvelle approche des enquêtes judiciaires

Le Conseil d’État rappelle qu’il appartient aux autorités judiciaires d’établir la matérialité des faits et l’intention de l’auteur d’agir sans le consentement libre et éclairé de sa victime, sans pour autant établir une présomption de culpabilité.

Il recommande d’orienter les enquêtes sur l’absence de consentement, plutôt que sur les moyens de contrainte utilisés par l’auteur. Il convient de viser directement l’auteur des faits, afin de mieux considérer la parole des victimes.

Enfin, il affirme que la notion de consentement en matière pénale est autonome. Par conséquent, une relation juridique (PACS, mariage) ou commerciale (prostitution tarifée) ne saurait suffire à écarter la qualification de viol ou d’agression sexuelle, bien que ces éléments soient pris en compte par le juge dans son appréciation.

Des ajustements recommandés

Si le Conseil d’État valide dans les grandes lignes la proposition de loi, il préconise certaines modifications. Il recommande particulièrement de supprimer le mot « notamment » dans la phrase : « il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis notamment avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Par ailleurs, il s’oppose à la disposition prévoyant l’absence de consentement en cas d’exploitation d’un état ou d’une situation de vulnérabilité temporaire ou permanente de la personne, estimant que cette formulation méconnaît le principe de légalité des délits et des peines.

Avis du Conseil d’État du 6 mars 2025, n°409241